vendredi 25 février 2011

Questions poils

Mmm. Mmm. Questions poils, corps et sexe.

Le retour d'un mois de voyage au Chili, que j'ai pratiquement passé à poil sur des plages idylliques, en m'en allant sans payer, en faisant du pouce et en voyageant dans des derrières de pick up, me permet de faire clairement les liens difficiles mais essentiels entre mes perspectives théoriques et l'expérientiel en tant que source de connaissance. (Voir ici les réflexions de Sandra Harding - épistémologue féministe - sur les sources de la connaissance)

Ça doit être parce qu'en mars je retourne sur les bancs d'école et que j'me remets à lire des textes scientifiques et à m'obstiner sur les sciences exactes et les sciences sociales, et la pseudo neutralité de mes amis économistes.

Bon, j'tombe sur un article d'un homme sur les poils. Problématique qui m'intéresse, m'interpelle depuis que j'ai atteint la puberté. Du haut de ma grande maturité de 12 ans, il me semblait essentiel de raser les 3 p'tits poils qui avaient commencé a pousser en d'sous mes bras.

Je devais faire comme tout le monde, éviter la honte dans le vestiaire des filles dans les cours d'éducation physique, déjà que je suais au maximum et que je découvrais à mon grand désarroi que je n'allais pas hériter des attributs féminins de ma mère. Fin bref.

Période sombre, l'adolescence n'épargne généralement personne. Ça a tout de même pris 4 ans et quelques discussions familiales significatives (quelle bonne équipe ma mère et mon père!) pour que je comprenne que c'tait pas nécessaire, obligatoire, hygiénique, propre de se raser, de s'épiler, de se brûler la peau à la cire chaude, de dépenser des sous et du temps à l'électrolyse.

Ça aura pris le Cégep de Sherbrooke, l'importance du féminisme dans le mouvement étudiant et social au Québec. Ça aura pris mon caractère de cochon et un esprit de contradiction presque systématique. Et des amoureux et des amants qui trouvaient ça ben relax, et qui pouvaient écouter sans comprendre mes doutes et les incohérences qui qualifient toujours mes complexes capillaires. Ça aura pris des Marie-Michèle, pis des Éliane, pis des discussions à Rive.

Et puis après presque 15 ans de vie consciente dans ce bas monde anti poil, je continue d'y réfléchir. Avec des crises passagères d'envie de m'épiler complètement, de me mettre une perruque aux cheveux plats et de réaliser le genre de fantasme qui a occupé mon enfance peuplée de Barbie, de robes de princesse et des balades en roller à Miami Beach. Je continue aussi à me plaire, à me trouver jolie quand je vais bien et moche quand j'suis fatiguée et déprimée.

Mais j'continue à y réfléchir, à douter des visions dichotomiques, et à me méfier des commentaires masculinistes.

J'continue à croire que c'est une violence, mais j'peux pas oublier les amies travesties et trans qui veulent pouvoir aller se faire épiler sans problème, qui questionnent beaucoup plus que le poil, tout en le rejetant complètement. Et qui m'empêchent d'être persuadée, parce qu'elles-mêmes doutent. Qui font que ma vision est une simple expression de ma subjectivité, de ma culture, de mon corps, de mes expériences. Et qui me font me méfier des "Nous la femme" de salon de coiffure qui se permettent de parler en mon nom sans que je n'y aie jamais consenti. Qui me font douter de la nécessité de l'existence de telles catégories. Même que j'marche sur des oeufs dans ma tête quand j'me mets à y penser. Heureusement que Dolphy me permet de ne pas interrompre le fil de mes pensées et me pousse à continuer à déconstruire.

lundi 21 février 2011

Jusqu'à en mourir

Je suis devant mon personal computer, dans un appartement à Flores à Buenos Aires, à me plaindre de la chaleur et de ma paresse d'aller au supermercado qui est à moins d'un coin de rue. J'écoute du Chopin. Tout ça en regardant des photos sur un site qui s'appelle "totally coolpix" sur ce qui se passe en Égypte, en Libye, au Bahreïn.

Je suis accompagnée par mes réflexions sur la Violence, et cette fameuse idée que c'est un des meilleurs chemins pour arriver à cette autre et ô combien plus fameuse révolution sociale.

Je sais que dans la même journée, j'ai fait une session Skype avec mon ami ingénieur sonore qui vit désormais à Berlin, juste avant de tomber par hasard sur un guide de défense contre les policiers, en arabe dans mon reader.

Je continue à me questionner; sur le rôle de ces dites images, de ce qu’elles signifient. Et surtout sur la façon dont je peux et dont je veux participer à ces narratifs, ou du moins, exprimer et expliquer ma solidarité, mon appui.

Je tente du haut de mes 26 ans de jugement, de distinguer le vrai du faux. De chercher à avoir accès aux narratifs de femmes, aux narratifs de trans.

J'essaie de voir comment dans les moments critiques, quand l'Histoire se fait un peu plus que d'habitude, on peut arriver à plus qu'une "réforme" du système. Parce que les Moubarak, Kadhafi, Gbagbo, Ouatarra, Compaoré et autres chefs d'état arabes et africains qui se maintiennent l'un l'autre comme s’ils étaient des membres du G8, ne peuvent pas être et ne sont pas l'unique cause du problème.

Et pour des problèmes complexes, on doit penser, imaginer, créer des solutions complexes.

Et je me retrouve à lire de vieux travaux universitaires sur le panarabisme et je pense au cours de Gada sur l'activisme transnational.

Mes réflexions sont ouvertes, je suis certaine de vouloir exprimer ma solidarité avec les Arabes en révolte. Je doute de à qui l’exprimer plus particulièrement.

Mais la question centrale est plutôt le comment. Avec toutes ces personnalités virtuelles, on prend des chemins étranges, irréfléchis, on usurpe des identités, on viole nos codes d'étiques. On ne demande pas à tous ces visages s'ils ont d'accord d'être le symbole de notre solidarité. On oublie aussi les risques que ça peut créer.

Mais je continue à regarder les images, de gens qui sont en train de lutter jusqu'à en mourir, en haute définition.

Et ça satisfait une soif de symbole et de changement. Un sorte de voyeurisme difficile à soutenir, en tant que jeune activiste féministe of colour.