mercredi 6 octobre 2010

Poursuite.

Et après on va me dire que les porteños sont pas fascinés par l'Europe.

Je cherche et cherche en vain un livre. À Buenos Aires, ville du monde, ville de culture, de théâtre et de littérature, berceau ou ville d'adoption des Cortazar, Borges et Sábato. Et c'est quasi impossible de trouver une livre en français d'un-e auteur-e québécois-e.

Je cherche, je fais des appels. Où commencer? Le centre d'études Canadien. Ah ah!

Trop tard pour que ça réponde. Les Argentins travaillent peu et chiaule beaucoup.

L'ambassade du Canada en Argentine, section culture. Yes!

Une certaine Beatriz me répond. Juste après avoir été surprise et déstabilisée par un répondeur trilingue à l'accent Québécois (et moi qui aime tant laisser des messages sur les répondeurs... même si je préfère les messages d'accueil, le meilleur est définitivement celui qui disait que je voulais être Calife à la place du Calife, comme l'Iznogoud de Gosciny et Tabary, sur St-Denis. Là où les poubelles des voisins étaient si fertiles en vêtements extra small) où j'ai laissé un message en français aux tournures bien argentines.

Béatriz est sympathique. Je lui demande où je pourrais trouver une librairie vendant des livres d'auteur-es québécois-es. Ça semble difficile à trouver dans cette ville du monde.

Mais pas impossible.

Un livre de Dany Laferrière. Et un recueil de poème de Nelligan.

Laferrière était censé venir au printemps qu'elle me dit, mais avec le tremblement de terre en Haïti, il a changé ses plans. Tout à fait légitime, mais comment j'aurais aimé voir la tronche de la haute société porteña, faire des courbettes devant une homme noir dont le premier succès s'appelle « Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer ».

C'est d'ailleurs cet ouvrage en particulier que je recherche, pour un cadeau, une pure provocation, pour un ami économiste qui aime la littérature. Je vous épargne les motivations qui m'ont animé à choisir ce livre en particulier, je ne suis d'ailleurs pas noire mais bien brune, qu'on se le tienne pour dit.

Bref ce sera difficile.

-Appelle à l'Alliance Française, peut-être pourront-ils t'aider!

Ouais, justement aujourd'hui j'ai une de ces envie de faire rire de mon accent. Donc je me maintiens en espagnol pour éviter une imitation molle et inefficace de notre fameux Tabarnak, un quelconque incident diplomatique ou une montée de lait sur les accents, le chauvinisme français, la pureté de la langue et la fascination des porteños pour la France (qui est franchement agaçante).

-Appelle à la librairie Les milles et un mots!

De ce pas! 43110363. Une porteña, pure laine, dans toute sa splendeur me répond confiante et sur un ton hyper condescendant qu'ils ne tiennent pas de littérature québécois en magasin.

-Québécoise. Littérature québécoise. Littérature étant un nom féminin.

-On peut en faire venir de France si vous voulez...

C'est une farce totale.

-De la France? Pourquoi faire venir de la France de la littérature québécoise?

J'étais due pour exploser, ca devait arriver.

-Faite la venir du Québec.

-Non. On tient seulement des choses qui viennent de la France.

Arghhh j'avais envie de la tuer (traduction littérale d'une expression argentine.. à peine un peu violente).

Et comme je suis super efficace en matière d'aires d'interactions, les liens déboulent dans ma tête; le fait qu'on me prenne pour une pute, les expressions Quilombo*, mon ancien coloc argentin qui était italien, les coups de coude reçus par un gros skinhead raciste tatoué dans une fête de bourges de Palermo vintage où m'avait invité ce même coloc italien, l'absence de recherche dans le monde académique sur la population afro argentine, l'avenue 9 de julio la plus large du monde et mes réflexions sur la construction de la nation argentine, une nation blanche, homogène et européene*. Grande respiration.

-Bon. Merci beaucoup (vieille conne).

Mais je n'abandonnerai pas. Le racisme argentin ne m'empêchera pas d'offrir en cadeau un petit et joli morceau de la littérature québécoise à un ami.

*Quilombo en langage populaire argentin signifie les embrouilles, les problèmes. Dans les faits le Quilombo désignait à l'époque de l'esclavagisme, l'endroit où les communauté d'esclaves en fuite se regroupaient.
*Pour celles et ceux que ca intéressent et qui lisent l'espagnol voilà une référence académique et une autre culturelle!

Alejandro Frigerio, 2008. "De la “desaparición” de los negros a la “reaparición” de los afrodescendientes: Comprendiendo la política de las identidades negras, las clasificaciones raciales y de su estudio en la Argentina". Publicado en: LOS ESTUDIOS AFROAMERICANOS Y AFRICANOS EN AMERICA LATINA: HERENCIA, PRESENCIA Y VISIONES DEL OTRO. Gladys Lechini, comp. Buenos Aires. CLACSO.

http://www.revistaquilombo.com.ar/

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